Description
Par Michel Fromaget
ISBN 978-2-37101-031-4
L’homme est un animal dont la condition, à la réflexion, peut bien donner le vertige. Capable d’engendrer d’authentiques merveilles sur chaque chemin où il engage sa vie — chemins de la pensée ou de l’action, de la connaissance ou du dévouement, des arts ou des sciences… — il est pourtant, à l’aurore de son existence, d’une pauvreté presque sans limite, d’une indigence quasi absolue. Il est par essence un animal social. Il l’est en ce qu’il reçoit son humanité d’une société qui la lui donne.
Que cette dépendance soit vitale, cela est donc connu de tous, cela a été vécu par tous. Ce qui reste par contre infiniment moins bien connu — et expérimenté par si peu — est que cette dépendance est, par nature, et non par exception, aussi mortelle que vitale. Le rapport de l’homme à sa civilisation peut non seulement rendre l’homme malade, mais aussi réellement le tuer. J’entends tuer en lui « quelque chose », ou « quelqu’un », de bien plus essentiel à la définition de son humanité et de son identité que son intelligence ou son propre corps.
Il est dès lors une figure emblématique dont la connaissance intéresse grandement l’anthropologie fondamentale. Cette figure est celle de l’« Homme Rebelle » à qui Ernst Jünger, le grand philosophe allemand contemporain, a consacré rien de moins qu’un traité entier. Il est, par définition l’homme qui dit Non. Pour nous, il sera cet homme qui précisément refuse d’accepter la mort de cet essentiel où se trouve le cœur de son identité profonde. L’acuité intérieure de l’Homme Rebelle est telle qu’il aperçoit la profondeur de l’abîme séparant son être essentiel, son être réel — même si celui-ci est encore virtuel —, de sa personne, de son « je existentiel ».
Lorsqu’on remonte le temps, on constate que, sous cet angle, les sociétés antiques étaient des sociétés justes. Elles avertissaient l’individu que la personne construite par lui dans le monde n’est pas l’être réel, mais son seul reflet. La première injonction par laquelle Jésus-Christ, s’adressant aux hommes, inaugure son ministère terrestre est : « Convertissez-vous ! » (Mc 1,15) Quelle est cette conversion ce retournement, cette metanoïa que demande Jésus ? Elle consiste justement à se détourner de son ego, de sa personne, elle consiste à ne plus se confondre avec le reflet, avec l’image et à se « retourner » afin de découvrir son identité véritable. Et le Christ, comme Narcisse, avertit l’homme de ce qui arrive s’il choisit de confondre l’image et le réel : l’homme meurt.
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